Le triangle de Prague

Une promenade littéraire à travers quelques quartiers de Prague

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J’habite à Prague depuis ma naissance et alors j’ai décidé d’en décrire la part où j’ai grandi et celle où je vis maintenant.

À part quelques années à Smíchov, j’ai passé la majorité de ma vie dans le huitième arrondissement de Prague. Faisons un petit tour là-bas, à Prague 8, à travers la Ville du Nord. J’ai choisi trois endroits intéressants, liés à mon enfance, mon adolescence et ma maturité.

Le château de Libeň

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Libeň. Mes parents y vivent encore et toujours. Cela s’appelle Palmovka. Vous en descendez un peu, vous traversez la petite rivière de Rokytka et tout d’un coup vous l’apercevez : Le château de Libeň. Situé sur un coteau pittoresque, ce château-là promène ses regards autour de soi sur tous les côtés. En face du château, il’y a l’école primaire que j’ai fréquenté autrefois. Si vous regardez par la fenêtre à gauche, voilà le lycée où j’ai passé quatre années de mon adolescence. C’est même le lycée où avait étudié mon père, lui aussi. Tournant votre regard tout à fait à droite, vos yeux rencontrent l’automate « Svět » (Le monde) avec l’ancien cinéma de Dukla, endroits si familiaux à Bohumil Hrabal, un écrivain fameux tchèque.

Le château de Libeň même, il a passé toutes les époques architecturales. D’origine un château fort gothique, il a été reconstruit en château renaissance à la fin du seizième siècle. Une centaine d’années après, la municipalité de la Vieille ville de Prague, son propriétaire de l’époque, l’avait fait refaire pour le style baroque et puis, au 18e siècle, le château a reçu son air contemporain : Aujourd’hui, c’est un édifice rococo. C’était au même (18e) siècle que l’on a bâti une chapelle voisinante au château, en rococo, elle aussi, avec des fresques sur les murs et sur le plafond créées par Ignác Raab. Le siècle passé a y rajouté un vaste parc enveloppant le château de tous les côtés, appelé selon son architecte : les jardins de František Thomayer.

De nos jours, le château sert comme un des plusieurs bâtiments de la Municipalité du huitième arrondissement de Prague. Si vous envisager de vous marier, vous pouvez organiser la cérémonie justement au château de Libeň. Vous pouvez même choisir une de deux salles !

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L’église Saint Venceslas à Bohnice

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Àprès mon mariage avec Eva, ma femme contemporaine (et unique :)), j’avais vécu quatre ans dans un autre côté de Prague, mais il fallait revoir les endroits de mon enfance. Et donc, on a déménagé avec Eva et deux nos enfants (en attendant le troisième) à Prague 8, cette fois à Bohnice.

Du château de Libeň, vous montez par la rue Zenklova, vous passez l’hôpital Bulovka, un des hôpitaux les plus grands à Prague, et vous rencontrez le théâtre Salésien sur la place de Kobylisy. Là, il faut tourner à gauche et monter encore un peu par la rue de Čimice. Aussitôt que vous atteignez Podhajská pole (les Champs « sous le bois »), il s’ouvrira devant vous un panorama de la maison de santé psychique avec un parc étendu dont les arbres et buissons sont de temps en temps remplacés par des maisons du personnel, des pavillons des hospitalisés et des bâtiments agricoles où l’on peut admirer des chevaux, des chèvres, des brebis, et – si vous avez un petit peu de chance – même des lamas, ces « chameaux » de l’Amérique du Sud.

Le sanatorium de Bohnice est vaste et beau. Très agréable pour se promener. Il est ouvert au public sous la condition que vous ne déranger pas les pacients. Face à la porte principale de cet hôpital de la « psyché », il se dresse l’église Saint Venceslas. Elle aussi, elle sert au personnel, aux clients, aussi bien qu’à vous, les visiteurs d’occasion du sanatorium. L’église a été bâtie au début du 20e siècle, d’après les règles de l’Art nouveau de l’époque. Un fait peut-être intéressant pour un étranger : c’est des prisonniers de guerre français et italiens qui ont participé pendant son bâtiment. Néanmoins, l’histoire de cette église est assez triste. Pendant la deuxième guerre mondiale, les Allemands avaient envisagé de abattre la tour. Heureusement, ils n’avaient pas assez de temps à réaliser leur projet d’anéantissement. Là où n’ont pas réussi les Allemands, cela a été fini par les Tchèques, eux mêmes, à l’époque communiste. Grace à Dieu, ils n’ont pas démoli la tour, mais l’intérieur de l’église a été totalement dévasté. Les meubles, les peintures de valeur et l’orgue ont été emportés, le reste (comme des sculptures, par exemple) cassé, brisé et détruit. L’église a été désacralisée et, pendant beaucoup d’années, elle a servi à des buts séculiers.

Ce n’était qu’en 1990 que l’on a décidé de la renouveler et reconsacrer à Saint Venceslas. Depuis ceci, on peut de nouveau y dire des prières, rencontrer d’autres croyants et de méditer. L’église est administrée par M. Jan Kofroň, le seul prètre catholique marié.

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Le château de Troja

Voilà, on s’approche du dernier point du triangle de Prague, c’est-à-dire, du château de Troja.

Il est intéressant que, bien que notre famille vive dans la banlieue de Bohnice, une cité des maisons de panneaux, selon les plans cadastraux, notre maison se trouve au quartier de Troja. Tandis qu’à Bohnice, c’est la société de classe moyenne qui y habite, Troja est occupée par des gens riches, par des amabassadeurs et par des commerçants.

La dominante du quartier de Troja, c’est un autre château, le château de Troja. Si vous entrez dans le vaste jardin de château, dessiné au style à la française, et que vous vous mettez debout en face du château et promenez vos regard autour de vous, à part l’édifice principal de château, vous apercevez quelques bâtiments agricoles, une écurie (qui est un peu cachée derrière le château), un labyrinthe natural, des arbres d’agrément et fruitiers, des fontaines et des vases en terre cuite. Si vous y tournez le dos, vous pouvez voir, à travers les murs de jardin, la Vltava, la « Seine de Prague », la deuxième plus grande rivière de la Tchéquie.

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Le château est construit tout à fait en style de baroque. L’un des deux architectes principaux du château, Jean Baptiste Mathey, d’origine française de la Bourgogne, s’est fait inspirer, au 17e siècle, par le type d’une villa romaine suburbaine. Il a changé un petit peu la conception originale et le resultat s’est imprimé dans la salle centrale occupant deux étages. Au premier étage, un escalier est ajouté à la salle principale. C’étaient Georg et Paul Heermann de Dresden qui ont décoré l’escalier par des sculptures représentantes le combat des titans avec les dieux antiques. Ce qui vraisemblablement a apporté le nom du quartier de Troja (auparavant, il s’était appelé Zadní Ovenec).

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Et voilà, c’est tout. Du château de Troja, on peut passer le long de la Vltava, et après, le long de la petite rivière de Rokytka et revenir au château de Libeň. Le triangle de Prague est fermé. Le triangle est fini.

Je souhaite que vous preniez goût à ce côté de Prague. Si Prague est la capitale de la République tchèque, pour moi, c’est la Ville du Nord qui est « la capitale de Prague ». C’est des banlieues de mon enfance et mon présent. Je ne permets jamais de faire tort à Libeň, à Bohnice et à Troja. C’est des châteaux, des églises, des parcs, des immeubles de rapport, des écoles, des rues et ruelles tortueuses, des rivières, des coteaux et des bancs de Vltava où j’habite, où je respire et où j’adore chaque coin. Bref, c’est la matière de ma vie.

Texte: Pavel Foltýn
Photo: wikipedia.org